Par Hatem JAMOUSSI
Fondateur de l’Association Convergence
Avec les révolutions de la dignité qui ont commencé en
Tunisie en Janvier 2011, davantage de « maturité » a été acquise par
le Forum social mondial, qui est passé d’une position traitant des
préoccupations de la société civile en rapport avec la mondialisation et
prônant inlassablement qu’ « un autre monde est possible », à un
espace de débats pouvant désormais se
prévaloir d’un vécu révolutionnaire, qui prouve concrètement -si besoin est-
que le changement est bien possible. Et, même si le processus des révolutions est
toujours en cours, de tels évènements ont valeur d’exemples, éloquents à plus
d’un titre.
D’abord, parce que ces révolutions sont imputables
essentiellement aux effets dévastateurs du système néolibéral, arrivés à leur
paroxysme, qui ont généré des soulèvements violents et incontrôlés. Elles sont
dues -avant tout- à l’absence d’équité sociale, le système ayant longtemps
décidé d’enfermer les exclus sociaux dans un monde souterrain dont ils ne devaient
affleurer. C’était sans compter avec ce torrent des révolutions, qui a tout
emporté sur son passage, pour restituer à ces populations exclues leur
« dignité ».
Ensuite, pour l’évolution inattendue que connaissent
ces révolutions, avec un cheminement non linéaire, semé d’embûches. A l’origine
de cette situation est en grande partie la sempiternelle lutte entre les deux
mondes, celui du néolibéralisme et celui du paradigme altermondialiste.
Le premier - ancré depuis de très longues années dans
la majeure partie de la planète- cherche à conserver bec et ongles ses acquis,
qui sont le gage de sa continuité. Il doit à tout prix maintenir sa prépondérance,
non seulement sur le monde riche (qui lui est naturellement acquis), mais
aussi et surtout sur le monde pauvre. Car ce monde pauvre,
qui est jusqu’ici le moins pillé par ses indigènes -non moins convaincus par le
néolibéralisme- qui ne disposent pas de moyens pour le faire, constitue une extension
nécessaire pour doper la croissance du monde riche : matières premières à
bas prix, débouchés commerciaux pour des produits souvent inutiles, exploitation
des ressources humaines et matérielles locales, etc. Cette prépondérance du
néolibéralisme doit pérenniser à jamais l’emprise du système sur un monde pauvre
avili, précarisé, surendetté, obéissant au doigt et à l’œil, autant de leviers
pour maintenir cette dépendance immuable.
A l’opposé, on trouve l’alter-mondialisme, qui
privilégie l’humain sur le matériel et se voulant le véhicule de toutes les
valeurs d’équité qui sont les siennes depuis Porto Alegre. On imagine l’amplitude
du choc …
Aujourd’hui est un moment unique de l’histoire, car
ces révolutions sont autant de tests grandeur nature qui se font au fil de l’eau
et les mutations subies par les pays concernés rappellent plus les champs d’expérimentation
que les ateliers d’application de solutions toutes faites, qui en fait n’existent
pas. Des facteurs endogènes et exogènes y participent. Des luttes d’ailleurs y sont
continuellement injectées. Bref, les peuples révolutionnaires s’y sentent quelque
part égarés et ne devraient pas être abandonnés à leur sort par leurs
semblables, porteurs des mêmes valeurs. En l’occurrence, le FSM devrait baliser
la route à ces téméraires, qui ont osé défier l’ordre établi, vaincre la
résignation. Il y gagnerait en passant de plain pied au cran supérieur, pour
affirmer haut et fort qu’« un autre monde existe ».
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